De l’accent ! De l’accent ! Mais après tout en-ai-je?
Pourquoi cette faveur ? Pourquoi ce privilège ?
Et si je vous disais, habitants de Boncourt
Que c’est vous qui pour nous, semblez l’avoir bien lourd …
Que nous disons de vous, de Sierre jusqu’à Salvan
« Ces gens-là sont bizarres, et d’étranges accents ! »
Et que, tout dépendant de la façon de voir,
Ne pas avoir l’accent, pour nous, c’est en avoir…
————————————————-
Eh bien non ! Je blasphème, et je suis las de feindre !
Ceux qui n’ont pas d’accent, je ne puis que les plaindre !
Emporter de chez soi les accents familiers,
C’est emporter un peu sa terre à ses souliers !
Emporter son accent, de Sion, du Val de Bagne,
C’est emporter un peu sa plaine ou sa montagne !
Lorsque, loin du pays, le cœur gros, on s’enfuit,
L’accent ? Mais c’est un peu le pays qui vous suit !
C’est un peu, cet accent, invisible bagage,
Le parler de chez soi qu’on emporte en voyage !
C’est pour les malheureux à l’exil obligés,
Le patois qui déteint sur les mots étrangers !
Avoir l’accent enfin, c’est, chaque fois qu’on cause,
Parler de son pays en parlant d’autre chose !…
———————————————–
Non, je ne rougis pas de mon fidèle accent !
Je veux qu’il soit sonore et clair, retentissant !
Et m’en aller tout droit, l’humeur toujours pareille,
En portant mon accent fièrement sur l’oreille !
Mon accent ? Il faudrait l’écouter à genoux…
Il nous fait emporter le Valais avec nous,
Et fait chanter sa voix dans tous mes bavardages,
Comme chante le Bisse au fin fond des feuillages !
————————————————
Ecoutez ! En parlant, je plante le décor :
De la combe d’enfer à nos plus beaux trésors !
Mon accent porte en soi d’adorables mélanges,
Effluves de Genépi et parfum de vendange ;
Il évoque à la fois les feuillages bleu-gris
De nos chers mélèzes aux vieux troncs rabougris
Et le petit village où les treilles des jardins
Éclaboussent de bleu les noirceurs des mayens !
Cet accent-là, la bise, chamois et bouquetin,
A toutes mes chansons donne un même refrain ;
Et quand vous l’entendez chanter dans ma parole
Tous les mots que je dis dansent la farandole !
D’après Miguel Zamacoïs (1866-1955), Adaptation de Marcel Baillifard
2 réponses
Une réelle invitation au voyage dans ce si beau canton..
Même si jamais je n’arriverais à le lire avec ce fameux accent .. 🙂
Merci Anne, mais après quelques verres, l’accent peut arriver plus vite que prévu 🙂