L’accent Valaisan – Poème

De l’accent ! De l’accent ! Mais après tout en-ai-je?

Pourquoi cette faveur ? Pourquoi ce privilège ?

Et si je vous disais, habitants de Boncourt

Que c’est vous qui pour nous, semblez l’avoir bien lourd …

Que nous disons de vous, de Sierre jusqu’à Salvan

“Ces gens-là sont bizarres, et d’étranges accents !”

Et que, tout dépendant de la façon de voir,

Ne pas avoir l’accent, pour nous, c’est en avoir…

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Eh bien non ! Je blasphème, et je suis las de feindre !

Ceux qui n’ont pas d’accent, je ne puis que les plaindre !

Emporter de chez soi les accents familiers,

C’est emporter un peu sa terre à ses souliers !

Emporter son accent, de Sion, du Val de Bagne,

C’est emporter un peu sa plaine ou sa montagne !

Lorsque, loin du pays, le cœur gros, on s’enfuit,

L’accent ? Mais c’est un peu le pays qui vous suit !

C’est un peu, cet accent, invisible bagage,

Le parler de chez soi qu’on emporte en voyage !

C’est pour les malheureux à l’exil obligés,

Le patois qui déteint sur les mots étrangers !

Avoir l’accent enfin, c’est, chaque fois qu’on cause,

Parler de son pays en parlant d’autre chose !… 

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Non, je ne rougis pas de mon fidèle accent !

Je veux qu’il soit sonore et clair, retentissant !

Et m’en aller tout droit, l’humeur toujours pareille,

En portant mon accent fièrement sur l’oreille !

Mon accent ? Il faudrait l’écouter à genoux…

Il nous fait emporter le Valais avec nous,

Et fait chanter sa voix dans tous mes bavardages,

Comme chante le Bisse au fin fond des feuillages !

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Ecoutez ! En parlant, je plante le décor :

De la combe d’enfer à nos plus beaux trésors !

Mon accent porte en soi d’adorables mélanges,

Effluves de Genépi et parfum de vendange ;

Il évoque à la fois les feuillages bleu-gris

De nos chers mélèzes aux vieux troncs rabougris

Et le petit village où les treilles des jardins

Éclaboussent de bleu les noirceurs des mayens !

Cet accent-là, la bise, chamois et bouquetin,

A toutes mes chansons donne un même refrain ;

Et quand vous l’entendez chanter dans ma parole

Tous les mots que je dis dansent la farandole !

D’après Miguel Zamacoïs (1866-1955), Adaptation de Marcel Baillifard

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